Ces hommes et femmes que vous regardez ont tout perdu ou tout abandonné dans leur pays, les raisons qui les ont obligés au départ se valent toutes. Conflits, pratiques et croyances archaïques, la pauvreté extrême, l'emprisonnement ou une mort certaine. Sur les routes pour un monde meilleur ils ont été frappés pour certains une seconde fois par l'injustice de l'épée, le fouet du maître en Libye, le meurtre et la corruption généralisée.
Danger physique, mortel, ou, pire encore, danger de l'effondrement psychique ils y ont survécu. À bout de force et perclus de terreur, tandis qu'ils étaient sur le point de tomber une main indulgente les a secourus et cette même main les a menés dans les camps en Europe, où ils y ont senti la brûlure de la cigarette des gardes italiens, dans leurs chairs le bâton en Grèce, puis finalement chez nous le racisme, le mépris ou l'indifférence.
Ils n'ont aucune fierté au regard de leurs conditions de déplacés, leur noblesse est de trouver refuge dans le courage de l'action car le simple souvenir que d'où ils viennent la veille de leurs départs, ils étaient encore quelqu'un et l'espoir de pouvoir à nouveau être cette partie manquante leur fait accomplir tous les miracles.
Assurément, la qualité la plus appréciée de tous les genres est le courage et à l'état de nature l'humain est obligé d'être courageux car certains d'entre eux plusieurs années durant ont voyagé dans un système, sans règle ni loi pour protéger leurs droits fondamentaux.
Mais qu'est-ce que le courage ?
Je pensais rencontrer des individus cassés et traumatisés, bien sûr ils le sont ou l'ont été mais j'ai sous-estimé la volonté humaine car ces personnes ont une formidable intention de vivre et une capacité de résilience à l'épreuve du plus abaissant dans le catalogue de la souffrance.
Les moins chanceux qui ont été au bout de leurs fatigues sont déjà retournés poussière et chacun veut aujourd'hui au nom d'une sœur, un ami, un amour perdu en route donner un sens supplémentaire à ce voyage vers la recherche du bonheur.
Songez donc au déchirement de ces cœurs mais sans pitié. Admirez ces enfants qui sans le savoir ne le sont plus déjà, ces hommes mais surtout ces femmes qui ont été éprouvées jusque dans leur intimité.
Quant à moi, je considère ces personnes avec le plus haut degré de respect car je suis surpris qu'un être humain puisse cultiver cet amour, cet engagement envers la vie pour continuer à se battre et être passionné.
